Après plusieurs heures de marche, il arriva effectivement à l’endroit précis que sa bienfaitrice avait désigné. Il y avait du monde qui dansait un peu partout le long du ruisseau et de folles farandoles étaient emmenées par des dizaines de jeunes filles plus belles les unes que les autres. Jacquot croisa le regard tendre de l’une d’elles et ne la quitta plus de la soirée. Il lui raconta d’où il venait et le but de son long périple dans la grande forêt et lui demanda : « Comment t’appelles-tu ? ». S’approchant plus près de lui, elle lui chuchota à l’oreille « Madelonne et tu me plais beaucoup ».
Jacquot devint tout rouge comme un petit gratte-cul. « Viens, je vais te présenter à ma famille » dit-elle. La maman était une dame bien habillée avec de beaux vêtements de velours et de beaux grands yeux bleus. « Comme vous êtes belle ! » dit Jacquot. « Mais tu es un bien joli jeune homme et je te verrais bien comme gendre » dit-elle à son tour. C’est bien connu que les dames aiment les compliments et Jacquot l’avait bien compris, mais le plus dur restait à faire car il fallait affronter le père : Un gros bourru chauve et barbu qui n’avait pas l’air de faire dans la dentelle…et pourtant.
Après les présentations et une longue discussion alors que le plus dur semblait être derrière lui, le père lui demanda : « Dis Jacquot, si tu veux rester avec nous, il te faudra chercher du boulot ! » Aie ! ça se corse, pensa-t-il.
La belle Massotais qui tenait à le garder près d’elle lui dit : « Près d’une vieille ferme, je connais un puits au fond duquel il y aurait, selon les rumeurs locales, une urne solidement fermée contenant la recette d’une bière miraculeuse qui empêche de vieillir ». Munis d’une longue corde en chanvre, ils se rendirent à l’emplacement de ce fameux puits et après avoir échangé un long baiser, Jacquot décida de descendre. La tâche fut facilitée du fait qu’il ne contenait pratiquement plus d’eau.
Après avoir chipoté dans la vase et après de longs efforts, son courage fut récompensé car il remonta la fameuse urne. Effectivement, elle contenait une vieille recette qui semblait remonter à la nuit des temps. Jacquot se mit au travail tout de suite. Assisté par le forgeron Godichon, le maçon Pierrot, le bricoleur Finfin, Gégé ainsi que différents corps de métier, la brasserie prit forme et un mois plus tard de douces odeurs d’orge malté et de houblon embaumaient la vallée.
Le père convaincu du savoir-faire de Jacquot lui donna sa fille en mariage. Celui-ci se déroula le 17 Ventôse 1697 et par amour pour sa belle princesse, il appela sa bière du même prénom qu’elle : LA MADELONNE.